L’Union des droites : une chimère qui trahit l’esprit gaulliste

Dans le tumulte politique français de ce mois d’octobre 2025, où le gouvernement de Sébastien Lecornu vacille sous les assauts des oppositions, un slogan revient en boucle chez certains : « l’Union des droites ». cette idée séduit une frange de la droite conservatrice et souverainiste. Elle vise à fédérer Les Républicains (LR), le Rassemblement national (RN) et Reconquête autour d’une alliance électorale et gouvernementale, comme l’ont récemment réclamé quatre anciens ministres de Jacques Chirac : Guy Drut, Charles Millon, Pierre Lellouche et Philippe de Villiers. Pourtant, ce qui se présente comme un rempart contre le « macronisme » ou la « gauche woke » heurte de plein fouet l’héritage gaulliste que ses promoteurs invoquent avec une ferveur suspecte. Car le gaullisme authentique n’est pas une union partisane, mais le rassemblement de tous les Français, au-delà des clivages idéologiques.
Rappelons les fondements. Le gaullisme, tel que théorisé et pratiqué par le général de Gaulle, repose sur une vision transcendante de la nation. Dès 1947, avec la création du Rassemblement du peuple français (RPF), de Gaulle appelait à unir les citoyens non pas par affinités partisanes, mais par fidélité à la République et à l’intérêt supérieur de la France. « La France d’abord », clamait-il, en rejetant les étiquettes de droite ou de gauche qui divisent. Le gaullisme politique, dominant sous la Ve République jusqu’aux années 2010, s’est incarné dans des partis comme l’UNR ou l’UDR, qui intégraient des sensibilités variées : des modérés centristes aux socialistes ralliés, en passant par des catholiques progressistes. Comme nous l’affirmions il y a quelques années, « le gaullisme n’a jamais été une vision politique de droite et encore moins de ce camp qui n’a de cesse combattu le général de Gaulle de son vivant ». C’était un mouvement d’union nationale, capable de rallier des résistants, des syndicalistes et même des intellectuels de gauche pour bâtir l’Europe des patries ou moderniser l’économie.
Or, les prétendus gaullistes d’aujourd’hui invitent à « tourner la page du macronisme » en rejoignant un bloc fermement ancré à droite – pervertissent cet idéal. L’union des droites, enracinée dans une tradition remontant aux années 1980 avec les premiers rapprochements entre gaullistes et libéraux, s’est muée en une stratégie électorale exclusionniste. Elle rassemble LR, RN et Reconquête autour de thèmes comme l’immigration zéro ou la préférence nationale, mais exclut d’emblée la gauche républicaine et souverainiste. Un sondage récent montre que la grande majorité des électeurs LR, RN et Reconquête y sont favorables, mais cela masque une réalité : cette alliance plébiscitée par une base droitière risque de siphonner le centre et de radicaliser le débat public. Comme le soulignait notre Secrétaire général, Sébastien NANTZ, : « Nous mettons au défi ceux qui réclament l’union des droites au nom du gaullisme de nous trouver des écrits ou paroles du général de Gaulle où il se revendique être de droite et vouloir l’union des droites ! Le gaullisme c’est un rassemblement des Français autour de la France, de son indépendance, de sa grandeur, de sa culture et de ses racines ! ».

Aujourd’hui, le flirt idéologique entre LR et RN – illustré par l’alliance Ciotti-Le Pen aux législatives de 2024 – évoque un même risque de compromission. Bruno Retailleau, figure LR, dénonce un gouvernement « otage des socialistes », mais refuse la censure pour éviter une dissolution qui forcerait l’union. C’est là que le bât blesse : ces « gaullistes de droite » invoquent de Gaulle pour justifier une stratégie de survie partisane, alors que le Général, en 1968, dissolvait l’Assemblée pour transcender les crises, non pour les figer dans un bloc idéologique. Cinquante-cinq ans après sa mort, « De Gaulle est partout, le gaullisme nulle part », comme l’écrit un chroniqueur du Monde diplomatique : une icône vidée de substance, récupérée par tous sans en assumer l’exigence d’unité nationale.
Face à cette instrumentalisation, il est temps de redonner vie au vrai gaullisme. Pas une union des droites qui divise pour régner, mais un rassemblement des Français qui unit pour avancer. Dans un pays où la dette explose à 3400 milliards d’euros et où l’immigration défie les consensus européens, la France a besoin de transcendance, pas de tribalisme. Les électeurs de droite, lassés des « compromissions » comme le déplore un militant LR, doivent exiger plus : un projet qui intègre la gauche non extrémiste et les libéraux non wokistes. De Gaulle l’avait dit : « La France ne peut être menée que par des hommes qui la servent et non par des hommes qui se servent d’elle. » Que les prétendus gaullistes méditent cela, avant que l’union des droites ne devienne le linceul du gaullisme authentique.

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